Luc Vodoz, « Fracture numérique, fracture sociale : aux frontières de l'intégration et de l'exclusion », SociologieS [En ligne], Dossiers, Frontières sociales, frontières culturelles, frontières techniques, mis en ligne le 27 décembre 2010, consulté le 02 octobre 2018. URL : http://journals.openedition.org/sociologies/3333
« L’école numérique, c’est un choix
pédagogique irrationnel car on n’apprend pas mieux, et souvent moins bien, par
l’intermédiaire d’écrans. C’est le gaspillage de ressources rares et la mise en
décharge sauvage de résidus dangereux à l’autre bout de la planète. C’est une
étonnante prise de risque sanitaire quand les
effets des objets connectés sur les cerveaux des jeunes demeurent mal
connus. C’est ignorer les risques psychosociaux qui pèsent sur des enfants
happés par le numérique ».
«Alors un ordinateur ou une tablette par
élève, la panacée ? L’école numérisée, c’est d’abord un choix irrationnel,
domaine où toute notion d’innovation a été confisquée par la fascination pour
la technique. (…) À la Waldorf School of the Peninsula, école privée de Los
Altos en Californie, on peint, on récite au tableau, on fait des expériences
scientifiques, on jardine, sculpte et tricote – garçons et filles. Il n’y a pas
d’ordinateurs en classes primaires et un usage très limité des technologies
dans le secondaire. Même la sonnerie de l’école se fait avec une cloche
manuelle. Cette école, c’est celle qui accueille une grande majorité d’enfants
des cadres de la Silicon valley ».
«
Les pays qui ont consenti d’importants investissements dans les technologies de
l’information et de la communication dans le domaine de l’éducation n’ont
enregistré aucune amélioration notable des résultats de leurs élèves en
compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences (OCDE/PISA
« connectés pour apprendre ?, les élèves et les nouvelles technologies »,
2015).
Par quoi l’élève est-il motivé dans
l’école numérique : par la tâche d’apprentissage, ou par l’outil lui-même ?
Et si l’école restait une zone de refuge
? L’école sans écran pourrait ainsi
venir s’interposer entre les enfants et une culture de l’immédiateté qui le
sollicite, chaque jour, un peu plus. « C’est une force sociale, un
contre-pouvoir à la soif de vitesse de l’économie. »
« l’école numérique n’a pas eu
raison des fractures sociales, elle les a simplement déplacées. »
« Digitaliser les enfances, c’est non
seulement renoncer à la prérogative d’éduquer nous-mêmes nos enfants, mais
aussi ouvrir la boîte de Pandore internet à un âge ou les risques encourus sont
supérieurs aux bénéfices espérés ».
Philippe Bihouix, Karine Mauvilly, Le Désastre de l’école numérique. Plaidoyer
pour une école sans écrans, Paris, Seuil, 2016.