viernes, 3 de febrero de 2017

La princesa y el cocodrilo




«Il était une fois un roi qui régnait sur un royaume paisible. Mais un jour, un terrible dragon surgit et terrorisa toute la contrée. Seul un petit écuyer eut le courage de l'affronter. Alors Baba Yaga la sorcière lui prépara une amulette, et le vaillant petit écuyer, luttant de toutes ses forces, finit par terrasser le dragon. Le roi, reconnaissant, lui proposa sa fille en mariage. Et la paix de nouveau régna sur le royaume. » Comprendre le fonctionnement du conte, c'est ce à quoi s'attache le folkloriste russe Vladimir Propp (1895-1970) dans Morphologie du conte. A partir d'un corpus constitué de contes populaires russes, Propp va isoler sept types de personnages, comme le héros, l'adversaire, ou encore l'auxiliaire (qui aide le héros) ainsi que trente et une fonctions. Ces fonctions correspondent à un découpage du récit en grandes étapes successives et immuables : un méfait initial (un dragon terrorise la région) engendre la quête d'une réparation de la part du héros qui, par la ruse ou le combat, en se faisant parfois aider (sortilège, épée magique), passe par une série d'épreuves jusqu'au succès (ou à l'échec) final.
Contrairement aux tendances de l'époque, Propp ne cherche ni à révéler la dimension sociale des textes, ni à classer les contes en grandes catégories. Sans faire véritablement oeuvre de théoricien, il soutient une idée à la fois simple et audacieuse : au-delà de leur diversité apparente, tous les contes seraient issus d'un même canevas. Il s'agit alors de dégager l'organisation interne des formes narratives, la structure même du récit.
Une grammaire des formes narratives.
Propp est considéré comme le précurseur de l'analyse structurale du récit. Professeur à l'université de Leningrad (aujourd'hui Saint-Pétersbourg), proche des formalistes russes, mouvement consacré à l'étude des formes littéraires auquel les linguistes Roman Jakobson et Mikhaïl Bakhtine participèrent, Propp est membre de la Société pour l'étude de la langue poétique, l'Opoïaz. Dans Morphologie du conte, il démontre que les séquences du récit sont soumises à des règles d'organisation logique, dont il relève le caractère binaire (de type interdiction/transgression). Il construit ainsi une grammaire des formes narratives qu'il rédige comme des formules mathématiques. Dépassant la dimension figurative du conte, qu'il considère comme superficielle, il confère à l'analyse un plus grand degré d'abstraction, ce qui la rend applicable à toutes sortes de récits, romans, bandes dessinées, films ou mythes... C'est là que réside l'attrait de sa méthode qui, trente ans plus tard, emportera l'enthousiasme des structuralistes. Car il faut attendre 1958 pour que Morphologie du conte soit édité en anglais, et 1970 pour la traduction française. Critiqué, l'ouvrage fut néanmoins salué par Lévi-Strauss, qui lui reprochait cependant d'étudier la grammaire du récit au détriment de sa dimension symbolique. La narratologie moderne et toute la théorie sémiotique d'Algirdas J. Greimas, en furent profondément influencées.
https://www.scienceshumaines.com/morphologie-du-conte_fr_12993.html




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