lunes, 17 de mayo de 2010

Le juge Garzon réveille les plaies de l'Espagne

LE MONDE | 15.05.10 | 13h55 • Mis à jour le 15.05.10 | 13h55
l est célèbre et respecté dans le monde entier pour les enquêtes qu'il a menées sur les crimes de diverses dictatures, notamment en Amérique latine, en vertu de la notion de justice universelle, dont il est un pionnier. Pourtant, le juge Baltasar Garzon va prochainement s'asseoir dans le box des accusés d'un tribunal de Madrid. Sa faute ? Avoir tenté d'ouvrir, pour la première fois en Espagne, le dossier des exactions commises par les franquistes lors de la guerre civile, puis sous la dictature de Francisco Franco.
Ces crimes ont été amnistiés en 1977 pour permettre à une démocratie convalescente de se reconstruire sur le fameux "pacte de l'oubli". En requalifiant les disparitions de dizaines de milliers de républicains en crimes contre l'humanité, donc imprescriptibles, ce juge atypique a joué avec les limites du droit espagnol pour les besoins de la cause. Cet écart procédural lui vaut d'être suspendu de ses fonctions en attendant son procès. A 54 ans, il risque une peine de douze à vingt ans d'interdiction d'exercer : sa carrière serait terminée.
L'affaire Garzon soulève deux questions embarrassantes pour l'Espagne d'aujourd'hui. L'acharnement évident d'une partie de la magistrature à se débarrasser d'un électron libre incommode traduit un inquiétant dysfonctionnement institutionnel. Pour avoir voulu se construire en réaction au franquisme, l'Espagne démocratique a accouché d'institutions malades de leur politisation, au premier rang desquelles la justice.
Et surtout, la stratégie de l'oubli n'a pas fonctionné. Plus que la défense d'un magistrat à la personnalité et aux méthodes controversées, la mobilisation de dizaines de milliers de personnes, ces dernières semaines à Madrid et ailleurs visait "l'impunité du franquisme". Les manifestants réclamaient "vérité, justice, réparation et solidarité avec les victimes", brandissant des photos en noir et blanc d'un grand-père ou d'un grand oncle enterrés quelque part dans les nombreux charniers de la guerre civile.
Ces Espagnols vivent mal qu'on veuille punir le seul magistrat qui, contre vents et marées, a cherché à les aider. En commençant à ouvrir les fosses au début des années 2000, ils ont inspiré au gouvernement Zapatero une loi "sur la mémoire historique", destinée à "fermer, honorablement pour tous, un chapitre tragique de l'histoire". Peine perdue : l'affaire Garzon révèle la persistance de deux Espagne héritées de la guerre civile. Il n'y a plus ni "rouges" ni "nationaux", mais une droite et une gauche prêtes à en découdre à tout propos.
En 1998, en ordonnant l'arrestation d'Augusto Pinochet, Baltasar Garzon avait gêné le gouvernement de M. Aznar, qui prônait auprès des démocraties d'Amérique latine l'exemple de la transition espagnole, fondée sur une amnésie volontaire. Aujourd'hui, les conservateurs refusent qu'on rouvre "les plaies anciennes", alors que les associations de défense des droits de l'homme, les syndicats et les juristes qui soutiennent Baltasar Garzon interrogent : "Les victimes de Franco valent-elles moins que celles de Pinochet ?"
Article paru dans l'édition du 16.05.10

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